LA CHAUX, UN MATÉRIAU IRREMPLAÇABLE.

Article de Abian Curbelo

Les images qui suivent vous seront probablement familières. Cela est surement dû au fait qu’au cours de cette dernière décennie, ces fours à chaux ont été déclarés biens d’intérêt culturel.

Les fours à chaux ont joué à travers les époques un rôle fondamental dans le développement des métiers de l’Art, de l’artisanat et de l’architecture. Ces constructions sont d’autant plus intéressantes puisqu’elles se distinguent structurellement en fonction des époques, des facteurs géographiques et des facteurs climatiques.

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En tout temps irremplaçable, utilisée par les hommes de l’Antiquité, la roche calcaire est une roche extraordinaire qui, soumise au feu, perd certaines de ses propriétés pour en acquérir de plus précieuses. Contrairement à certains matériaux, il n’y a eu aucune révolution ou innovation capable de la remplacer complètement

Comment la roche calcaire est-elle formée ?

Occupant la troisième place sur l’échelle de Mohs le minéral calcaire se forme par une accumulation de calcium et constitue plus de 10% de l’ensemble des roches sédimentaires de notre planète. Les coquilles et les squelettes ayant une teneur élevée en calcium, forment après érosion un sédiment qui passera par un processus de durcissement et de compactage appelé lithification, à l’origine du calcaire.
Le processus simplifié de formation de la roche calcaire lui permet d’être facilement présente dans différents environnements, notamment dans les eaux douces et les eaux marines où la grande majorité se trouve dans les profondeurs, là où foisonne la végétation.
L’utilisation d’oxyde de calcium communément appelé «chaux» est l’un des plus anciens conglomérats de construction. Les traces de son utilisation remontent aux constructions toltèques, à celles des pyramides de Teotihuacán, mais également aux cités Mayas.

Propriétés et utilisations de la chaux

La chaux est un matériau biodégradable qui respire et qui nécessite de passer par plusieurs processus complexes dans chaque étape de sa transformation.
En principe, une fois la calcination de la pierre blanche effectuée elle sera distinguée entre, la chaux issue de pierre dure et compacte qui sera utile dans la construction, et celle issue de pierre plus poreuse, meilleure pour le blanc de chaux.

Après calcination, est obtenue la chaux vive qui sera hydratée pour donner par la suite la chaux hydratée. Cette dernière servira à fabriquer des mortiers ou des pâtes destinés à la construction et à la restauration.

Bien qu’aujourd’hui dans le monde de la restauration des peintures murales le ciment soit principalement utilisé (calcaire et liant argileux), la chaux, comme ingrédient principal, joue de nouveau un rôle fondamental et gagne de plus en plus d’utilisateurs, en raison de ses propriétés pour le revêtement mural et de son affinité avec les matériaux et techniques de construction et décoration traditionnelles.  Selon certains de nos restaurateurs, la grande majorité des problèmes liés à l’usage de la chaux viendraient d’un manque de connaissances sur son utilisation

Cet ingrédient indispensable peut uniquement être pris en main par des professionnels experts du métier. Pour l’utiliser convenablement, il est nécessaire de mettre en place une longue programmation structurée, puisque les processus de maturation des matériaux doivent être minutieusement respectés afin d’optimiser leurs propriétés.

Pour son utilisation dans le domaine de la restauration, il est nécessaire d’étudier en amont les propriétés des matières premières locales en laboratoire et de tester son évolution et son comportement temporel vis à vis du travail à effectuer.

L’architecture .

Dans le domaine de l’architecture sur le territoire européen, la chaux est grandement utilisée comme mortier et sert à assembler des éléments de construction tels que les briques, les pierres, les blocs de béton, etc.  Elle est aussi utilisée pour remplir les espaces restants entre les blocs et dans le revêtement mural..

Comme il l’a été mentionné précédemment, sa polyvalence lui permet d’être utilisée sur différents types de matériaux agglomérés. Grâce à cela et à la transmission de génération en génération de ses techniques d’utilisation depuis des milliers d’années, nous trouvons de grandes différences aux niveaux de leurs finitions à travers toute l’Europe. Ces différences donnent naissance à une architecture vernaculaire qu’il faut protéger, bien que dans certains cas nous devons user d’innovation en mêlant la technique traditionnelle à des éléments plus modernes afin de satisfaire les besoins des familles

Dans certaines zones rurales, en particulier dans le sud de l’Europe, nous pouvons encore trouver de nombreuses maisons traditionnelles, où la technique traditionnelle d’enduit à la chaux est toujours la principale..

La pose d’enduit à la chaux

L’enduit appliqué sur un mur agit comme un revêtement protecteur. Ce procédé est effectué en 3 fois afin de donner au mur un effet de planéité. Tandis que les deux premières couches projettent le mortier sur le mur, la dernière sera une couche plus mince pour corriger toute irrégularité.

Pour la dernière couche d’enduit, il existe de nombreuses techniques de revêtement qui se démarquent les unes des autres

• Le plâtre est un revêtement utilisé pour les murs extérieurs ou intérieurs. C’est un mortier à base de chaux, de ciment ou de chaux et de ciment à la fois, utilisé en finition décorative. Il s’agit d’un type de finition uniforme dont le but est d’améliorer l’apparence et les caractéristiques des surfaces des murs, cloisons et plafonds.
• Dans la technique “jabelga”, on ajoute au mélange de la poudre de marbre. La consistance demeure toujours assez fluide, ce qui facilite son utilisation comme peinture ou comme finition sur tous les types de murs. Cette technique a principalement été utilisée en extérieur et les dernières applications remonteraient au XIXème siècle. A cette époque, chaque année cette technique était utilisée sur la plupart des bâtiments historiques. Cette pratique qui depuis lors était en déclin semble aujourd’hui refaire surface .
• La technique du stuc est aujourd’hui principalement utilisée pour le plâtrage des murs et des plafonds. Elle est caractérisée par la grande quantité de poudre de marbre (ou de sable) et par sa consistance pâteuse.
  Le terme “stuc” vient de l’italien. Cette technique comprend de nombreuses utilisations, notamment celle du modelage et de la sculpture pour obtenir des formes ornementales. Le stuc vénitien se distingue par son polissage qui donne une apparence similaire au marbre, ainsi que par la peinture polychrome à des fins décoratives

Parmi les nombreuses techniques de stuc, le stuc vénitien se démarque et a été popularisé au XVème siècle. Cette technique de revêtement mural est composée de pâte de chaux éteinte, de marbre en poudre, de pigments naturels et de plâtre

Éléments décoratifs

Le stuc à la chaux a été popularisé pendant l’hégémonie de l’Empire romain et des techniques similaires étaient déjà pratiquées dans la Grèce antique et en Égypte. Cet essor était principalement dû à l’utilisation croissante des nouveaux matériaux comme la brique. C’est également durant cette même période de Rome antique que la chaux était utilisée comme élément décoratif, étant à la fois un revêtement mural, mais aussi une forme de représentation de l’art dans l’architecture, là où leurs désirs les plus profonds, leurs exploits héroïques, ainsi que leurs peurs les plus sombres étaient représentés.

Le Baroque

Le Baroque était un style héréditaire du scepticisme maniériste, reflété en un sentiment de fatalité et de drame chez les auteurs de son époque. Durant cette période, les représentations artistiques étaient très décoratives, pleines et riches d’ornements. Ce courant a révélé l’utilisation illusionniste des effets d’optique. Tout au long du Baroque, les architectes ont accordé une attention particulière à l’utilisation du stuc comme élément principal de décoration pour la grande majorité de leurs bâtiments.

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Italie

L’Art italien montre l’importance du stuc. Giovanni Paolo Pannini (1691 – 1765), peintre, architecte et paysagiste, fait partie des peintres qui ont montré la grande importance de ce type de décoration architecturale. L’art est le reflet de la société.

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La peinture à la chaux

La chaux permet aux murs de respirer, de cette façon, l’air à l’intérieur des maisons est renouvelé et empêche également la formation d’humidité dans les murs. Avec un pH assez élevé (12,5), ce minéral a une fonction microbicide et antiparasitaire, ce qui empêche l’apparition d’insectes et de bactéries dans les bâtiments.

Cette autre image montre un second exemple de villages peints à la chaux dans l’archipel grec Santorin, où des poudres minérales comme le fer ont également été utilisées pour obtenir différentes couleurs.

Les couleurs naturelles sont d’origine animale, végétale ou minérale. Les couleurs les plus courantes dans l’utilisation de la chaux sont l’ocre, la terre d’ombre, la terre d’ombre brûlée, l’ocre rouge et le vert de Vérone. Chacune peut varier en fonction du mélange et du pourcentage d’oxydes dans la dissolution.

La monochromie ou la polychromie est fortement liée à la variété des matières premières présentes autour des villes. À l’époque, il y avait une forte relation entre les couleurs des maisons et la capacité commerciale des villes qui les entouraient, c’est pourquoi, il n’est pas étonnant de voir autant de paysages architecturaux colorés sur les villes côtières.

Pour ce qui est des couleurs, il est important de garder à l’esprit que le processus de pulvérisation des oxydes (colorants naturels) doit être effectué avec soin, puisque plus un pigment est pulvérisé, plus le résultat sera optimal. Dans certaines régions et pays comme le Royaume-Uni, du sang de porc était ajouté au mélange pour lui donner une couleur rose. Cette couleur est encore largement utilisée à l’extérieur des maisons, principalement dans les zones rurales. Cependant, l’excès de sang dans le mélange compromettrait la force de l’agglutinant de chaux en raison de sa haute teneur en oxyde de fer.

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Parmi nos artisans et restaurateurs qui utilisent la chaux

Mosè Feltracco – Terrazzo Veneziano

La technique du « Terrazzo Vénitien » est née de la réutilisation des déchets issus du traitement du marbre et des autres pierres de conglomérat de chaux. Cette technique remonte à la Grèce antique, où les sols étaient faits de pierres de rivière mélangés à de la chaux ou à de l’argile, bien qu’elle ait aussi été populaire à Venise où elle était utilisée dans les palais de l’époque.

Les sols réalisés avec cette technique sont économiques et profitent des propriétés d’utilisation de la chaux. Ce type de sol redevient aujourd’hui populaire et son utilisation continue de se répandre en raison de son caractère polyvalent en termes de design et de nuances.

MOSÈ FELTRACCO, passionné et professionnel de la chaux, explique chaque étape du processus de création des sols en terre cuite (terracotta). Il rapporte que les propriétés de l’utilisation de mortiers de chaux dans le sol se distinguent par leur réduction des émissions de CO2, mais également par leur caractère respirant et hygroscopique qui en fait un régulateur naturel d’humidité à l’intérieur des bâtiments.

Cette phase nécessite que l’on soit minutieux lors de l’étape de pression, durant laquelle, l’air qui pourrait être créé lors de la formation du mélange sera éliminé pour éviter d’éventuelles fissures dans le sol.

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La phase de « semis » est importante, car elle permet de déterminer les couleur et les effets artistiques recherchés. Pour respecter la tradition, cette phase est faite à la main, en semant de façon aléatoire les agrégats. Par la suite, nous passons à l’étape du nivellement final des agrégats : la phase de coulis.

Avant la phase de coulis une étude physico-chimique d’un échantillon du sol ancien, généralement prélevé le long des murs où les gens ne marchaient pas, permet d’en connaître la composition d’origine. Ceci permet de reconstituer le mélange à l’identique composé de terre naturelle et de plâtre avec de l’huile de lin bouillie et brute. La phase d’assemblage de ce sol se fait à la main sans interruption dans le temps et ce jusqu’à sa fin. Des outils artisanaux adaptés et spécifiques sont utilisés sur ses surfaces non-planes.

Conclusion

Les sources d’information offertes par nos traditions sont riches et indénombrables. C’est un processus d’évolution des techniques qui date du début des temps jusqu’à de nos jours, offrant différentes solutions qui s’adaptent à chaque culture et à chaque lieu géographique. En conséquence, il en va de notre responsabilité de promouvoir au mieux et d’amener lumière sur l’importance de l’utilisation des matériaux tels que la chaux.

Gardons à l’esprit que notre économie traditionnelle et locale a besoin d’un fort coup de fouet après la négligence qu’elle a subi lors de ces dernières décennies.

ETHIQUE, SANTE ET ENVRONNEMENT

Recourir à l’utilisation de la chaux permet d’encourager et supporter les artisans et autres professionnels, moyennes ou petites entreprises, spécialisés dans cette technique et de préserver un savoir-faire ancestral. Cette technique traditionnelle est également un investissement bénéfique pour la santé, car l’emploi de la chaux empêche le développement et la prolifération de champignons et d’acariens. Par ailleurs, contrairement à l’avis général, le coût de cette technique est plus abordable que celui des techniques contemporaines, puisque elle implique moins de dépenses énergétiques et est, par conséquent, plus en phase avec le respect de l’environnement.

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